Cascades : Le préfet de Loumana séquestré et brutalisé, le maire en fuite

Publié le dimanche 19 octobre 2014 à 09h27min

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Cascades : Le préfet de Loumana  séquestré et brutalisé, le maire en fuite

La journée du mercredi 15 octobre 2014 a été chaude à Loumana, une commune rurale de la Province de la Léraba et pour cause, une population en furie contre la construction d’un collège sur un site autre que celui choisi de commun accord avec le Haut-commissaire de la Léraba. Le Préfet du Département a été séquestré et brutalisé et le Maire quant à lui, a préféré prendre la clé des champs. Les populations de Néguéni, Faon Noussoun et Kokora les accusent d’avoir, en complicité avec des politiciens, changé le site au profit du village de Outourou.

A l’origine du conflit qu’on pourrait qualifier de « révolte du peuple Wara », est la construction d’un collège d’Enseignement Général dans la zone. Le choix du site était devenu si problématique qu’il a fallut l’intervention de madame le Haut-commissaire de la Province de la Léraba pour départager les protagonistes. En effet, le Maire de la commune rurale de Loumana avait préféré que le collège soit construit à Outourou parce que, a-t-il dit, c’est au nom de ce village que l’infrastructure aurait été acquise. Mais les villages de Faon, Noussoun, Kokora regroupés autour de Néguéni voulaient que ce soit Néguéni qui gagne le collège en question surtout que, avant de donner la vraie information aux conseillers le 23 septembre 2014 après une formation, le Maire leur aurait demandé d’abord de lui faire une proposition.

Après un long débat entre Kangoura, Ouahirmabougou, Nianssogoni et Néguéni, le choix des conseillers fut porté sur ce dernier village. C’est alors que, selon les mécontents, dans un éclat de rire, le Maire leur aurait dit qu’en fait, l’école appartiendrait au village d’Outourou et que l’instruction lui aurait été donnée par téléphone. Ce qui révolta les conseillers parce que le Maire aurait dû leur dire la vérité au lieu les laisser se fatiguer à faire des propositions. Selon toujours les frondeurs, Outourou est un petit village qui a une école à 3 classes, tandis que Néguéni a 5 écoles dont l’une construite par le village. En plus de cela, un collège à Néguéni profiterait à Noussoun, Faon et Kokora. Comme ils n’arrivaient pas à faire fléchir le Maire, les anciens de ces 4 villages ont organisé une forte délégation qui s’est rendu à Sindou pour demander la médiation du Haut-commissaire. C’est ainsi que grâce à cette médiation, tout le monde était d’accord que le collège soit construit au carrefour entre les 5 villages.

Malheureusement, quelle ne fut pas la surprise des populations de Néguéni, Noussoun, Faon et Kokora de voir le Préfet du Département de Loumana conduire un entrepreneur sur un autre site le mardi 14 octobre 2014. N’eut été l’intervention des anciens ce jour-là, l’irréparable serait intervenu. Mais le lendemain 16 octobre, les frondeurs sont venus à Loumana où ils ont demandé au Préfet de fermer la Préfecture et de les accompagner chez le Maire afin qu’on leur explique pourquoi ce changement de site, et pourquoi c’est le Préfet qui accompagne l’entrepreneur. Face à la résistance du Préfet, les populations reconnaissent l’avoir brutalisé, fermé les bureaux, retiré son portable et conduit de force à la Mairie où, sentant venir le danger, monsieur le Maire avait déjà quitté le village.

A notre arrivée, c’est les femmes qui gardaient l’entrée des bureaux de la Mairie, empêchant toute personne de s’y approcher. En plus de cela, les populations des 4 villages décident que désormais, c’est à Néguéni que le C.E.G sera construit et nulle part ailleurs. Ils ne voudraient même plus du site désigné de commun accord avec le Haut-commissaire.

La tension était vive à la Maire de Loumana ce jeudi 16 octobre 2014. Nous avons pu échanger avec la foule, et avec certains de leurs responsables tels que « Néguéni Dankélé », l’Imam et la représentante des femmes. L’Administration (Haut-commissaire et Préfet) quant à elle, a préféré garder le silence, le dossier étant déjà à un niveau supérieur. Nous avons pu entrer en contact avec le Maire de la commune rurale de Loumana, monsieur Seydou OUATTARA.

Golleau Isidore TRAORE
Lefaso.net


PROPOS D’ACTEURS

1-La responsable des femmes de Néguéni : Je m’appelle COULIBALY Aoua. Nous les femmes Wara sommes très remontées contre la décision du Maire et du Préfet de construire le collège à Outourou au détriment de Néguéni. C’est pourquoi nous avons décidé de monter la garde devant les bureaux de la Mairie afin d’empêcher l’accès à toute personne. On nous a dit que tout enfant qui sera admis au CEP ira en 6e. Nous avons à Néguéni 97 nouveaux certifiés, sans compter Noussoun, Faon et Kokora. Malgré tout, on donne le collège à un village qui n’a même d’enfants pour la 6e. En tout cas, nous sommes là, et comme ils sont forts, qu’ils viennent nous tuer toutes. C’est avec fierté que nous mourrons pour nos enfants.

2-« Néguéni Dankélé » : Si nous avons agit de la sorte, c’est parce que le Commandant (Préfet, ndlr) et le Maire ne savent pas qu’ils sont là pour tous les villages. Il y a un certain favoritisme dans cette commune qui fait que les populations en ont marre. La commune a obtenu la construction d’un C.E.G. Ce n’est ni au nom de Néguéni, ni au nom de Outourou. Le Maire a demandé aux Conseillers où le C.E.G doit être implanté. Les Conseillers lui ont dit de l’implanter dans le village le plus peuplé, donc Néguéni. Et il refuse en leur disant que le C.E.G est venu au nom du village de Outourou. Alors, pourquoi avoir demandé l’avis des Conseillers ?

Ce n’est pas normal que Outourou qui a une école à 3 classes avec de petits effectifs ait un C.E.G alors que Néguéni qui en a 5 avec des effectifs pléthoriques est ignoré. Quand vous êtes responsables et que les populations et l’Etat vous ont fait confiance, faites votre travail normalement. Un collège à Néguéni profiterait à Kokora, Noussoun, Faon qui sont de gros villages. C’est le Maire, le Commandant et quelques politiciens véreux qui sont à la base de cette situation. Mais nous ne les laisserons pas faire. Vous voyez le vieux-là assis derrière moi, c’est le Chef de terre, il se nomme Zégué KONE et chez nous les Wara, le Chef de terre ne sort pas. Si vous le voyez ici aujourd’hui à Loumana, c’est que l’heure est grave ; surtout que c’est nos femmes qui sont à la base de cette révolte, et vous les avez vues.

Le jour où le Commandant (Préfet, ndlr) s’est rendu sur le site en cachette avec l’entrepreneur, n’eut été l’intervention des Anciens, un drame serait arrivé. C’est nous les Anciens qui avons dit aux jeunes de ne pas toucher au Commandant car non seulement c’est le fils d’autrui qui est venu travailler chez nous, mais aussi c’est une autorité. Moi-même j’ai reçu un coup en voulant m’interposer entre les jeunes et le Commandant. Il faut que le Maire et le Commandant cessent de tout politiser. Sinon la commune ne se développera pas. Quand les femmes se sont levées pour se rendre à Loumana, nous avons demandé aux jeunes de les accompagner. Arrivés à la Préfecture le mercredi 15 octobre 2014, ils ont demandé au Commandant de sortir de son bureau. Il a refusé.

Les jeunes l’ont forcé à sortir et il a voulu résister, les jeunes l’ont maîtrisé et l’ont conduit à la Mairie chez son complice le Maire. Les femmes et les jeunes sont ici jusqu’aujourd’hui et ne veulent pas partir tant que le Maire ne leur dit pas que le C.E.G –là est pour Néguéni. Moi on m’a appelé pour me dire qu’un journaliste souhaiterait s’entretenir avec moi. C’est pourquoi je suis venu et j’ai profité pour dire à ma population de rentrer. Nous les vieux, l’Imam, le Chef de terre et moi-même allons gérer le problème avec les autorités. Advienne que pourra. Sauf si c’est l’armée qui va nous tuer tous sinon, jamais, au grand jamais le C.E.G ne sera construit à Outourou. Si tel est le cas, nous les 4 autres villages, nous attaquerons Outourou. En plus, nous ne voulons plus du site que nous avions choisi avec le Haut-commissaire. C’est à Néguéni et nulle part.

3-L’Imam de Néguéni : Moi, je m’appelle KONE Seydou. Ce que je voudrais ajouter, c’est que les Conseillers Municipaux avaient une réunion du 21 au 23 septembre 2014. C’est à l’issue de cette réunion que le Maire, après avoir échangé avec les Conseillers, leur a dit que le C.E.G obtenu par la Commune de Loumana sera construit à Outourou. Lorsque j’ai appris cela, j’ai envoyé des émissaires la nuit à Noussoun, Faon et Kokora afin que nous fassions bloc pour refuser cette décision du Maire. Et le lendemain nous nous sommes rendus chez le Maire pour mieux comprendre. Il a maintenu sa décision aidé en cela par le Préfet. Ils ont refusé toutes les propositions que nous avons faites ce jour-là. Alors j’ai dit que comme on n’arrivait pas à convaincre le Préfet, il serait sage que nous nous adressions à plus fort que lui, c’est-à-dire le Haut-commissaire. Nous étions plus d’une centaine ce jour à être reçus par le Secrétaire Général de la Province à qui nous avons livré notre message, le Haut-commissaire étant en mission. A son retour, elle nous a tous convoqués à la Mairie de Loumana où, après des échanges, nous sommes tous tombés d’accord que le C.E.G sera construit au carrefour. Et nous avons, après cela, nettoyé le site en question après une visite de l’entrepreneur, qui avait même planté des piquets. Signalons qu’à Néguéni, nous avons des écoles, nous avons une formation sanitaire, nous avons un marché et des forages.

C’est dans une ambiance emprunte de courtoisie que le Haut-commissaire nous a quittés ce jour-là. Quelle ne fut pas notre surprise d’entendre que le Préfet a conduit l’entrepreneur sur un autre site le mardi 14 octobre, sans les représentants des 4 autres villages. Le Préfet était avec les seuls représentants de Outourou. Nous ne savions pas que des choses se tramaient en bas. Il faudra remercier les vieux de Néguéni qui ont pesé de tout leur poids pour que le Préfet ne soit pas agressé. Ce qui s’est passé, c’est le Préfet et le Maire qui l’ont provoqué. Sinon, le Haut-commissaire avait déjà résolu le différend car elle nous a laissé la latitude de trouver nous-mêmes un site consensuel et nous l’avions trouver.

4-Le Maire de Loumana  : J’ai reçu un coup de fil du ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation m’informant que ma commune a bénéficié d’un C.E.G et que ce C.E.G sera construit à Outourou. Après l’entrepreneur m’appelle pour me dire qu’il doit se rendre sur le site le même jour. C’est ainsi que j’ai profité de la présence de tous les conseillers à Loumana pour leur donner l’information afin qu’on trouve un terrain d’entente. Après les échanges du conseil municipal, un site a été identifié. Un village a contesté ce site et a marché sur le Haut-commissariat pour y déposer une lettre de protestation. Le Haut-commissaire suite à cette protestation a rencontré le conseil municipal et tous ceux qui sont impliqués dans ce problème.

Après des échanges, le Haut-commissaire s’est retiré de la salle avec son staff pour permettre aux protagonistes de trouver entre eux un site qui puisse convenir à tous. Lorsque nous sommes revenus dans la salle, les représentants des populations nous ont dit que le site consensuel est le carrefour des 2 villages. Quand l’entrepreneur est arrivé, j’ai désigné le président de la commission « aménagement du territoire et gestion foncière » du conseil municipal pour l’accompagner, avec le préfet, sur le site.

Lefaso.net : pourquoi, au de vous ou un de vos adjoints, c’est le Préfet qui accompagne l’entrepreneur sur le site ?

Le Maire de Loumana : C’est le président de la commission « aménagement du territoire et gestion foncière » que j’ai désigné pour suivre. Parce que chacun a un rôle à jouer au sein du conseil municipal. Et comme dans les communes rurales il n’y a pas d’agent domanial, je me dis que le président de cette commission-là peut jouer ce rôle en attendant.

Lefaso.net : mais qu’est-ce qui explique la présence du Préfet sur les lieux ?

Le Maire de Loumana : La présence du Préfet s’explique avec l’implication de madame le Haut-commissaire. Nous nous sommes dit qu’avec cette implication, le jour où l’entrepreneur sera là, il serait mieux que le Préfet et l’Inspecteur de la circonscription d’Education de Base soient sur les lieux.

Lefaso.net : Avez-vous un dernier mot à dire ?

Le Maire : Par rapport à la situation, mon dernier mot serait de remercier tous ceux qui se sont impliqués dans la résolution du problème. Je demande également à l’Administration de prendre des mesures afin qu’un autre site soit identifié. La commune de Loumana est la plus vaste de la Léraba. Je voudrais demander au Gouvernement de prendre des mesures afin que tous les gros villages soient dotés d’un collège. Ce problème vient montrer que la demande est très forte surtout avec le continuum éducatif.

Entretien réalisé par G.I.T

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