Conflit foncier à Banfora : La justice politique face à la justice traditionnelle

Publié le mercredi 28 septembre 2016 à 16h17min

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Conflit foncier à Banfora : La justice politique face à la justice traditionnelle

Ceci est le point de vue de Faïbié Seydou Soma, sur un conflit foncier qui oppose deux habitants dans la province de la Comoé.

Les faits remontent depuis 2010, année au cours de laquelle Monsieur SOULAMA Assonsi du village de Niarebama, commune de Banfora avait saisi la justice moderne pour un problème foncier (limite de champs) qui l’oppose à Monsieur SORY Siélé Dramane du village de Houétiara dans la commune de Tiéfora.

La chambre civile de la cour d’appel de Bobo-Dioulasso a rendu son verdict (l’arrêt n°74 rendu le 06 décembre 2010) qui reconnaît le droit de jouissance du terrain à SOULAMA Assonsi. SORY Siélé Dramane et SOMA Bamiki (membres de la famille des chefs de terre de Houétiara), après avoir fait la prison par rapport à cette affaire, contestent avec les propriétaires terriens et les habitants du village de Houétiara, cette décision de justice sous prétexte que le terrain en question n’appartient pas à la famille SOULAMA.

Depuis 2010, les responsables terriens, SORY Siélé Dramane et même certaines personnes du village de Houétiara, ont subi toutes sortes d’humiliations à la brigade de gendarmerie de recherche de Banfora et au palais de justice de Banfora.

Face à la contestation des habitants du village de Houétiara, le problème avait été renvoyé aux chefs des cantons des villages concernés. Ainsi, sur l’initiative du chef de canton de Karaborola, une audience publique co-présidée par les chefs des cantons de Diarabakoko, de Karaborola et de Banfora a été organisée le 1er juin 2015 dans la maison des jeunes et de la culture de Banfora. Les propriétaires terriens du village de Houétiara avaient invité les chefs terriens de tous les villages avec lesquels leur village est frontalier à participer à l’audience, ce qui fut fait (cf. procès-verbal de l’audience).

Après avoir entendu les protagonistes du conflit foncier, les chefs de cantons ont décidé en accord avec les protagonistes de procéder à cette ultime épreuve traditionnelle de détermination de propriétaire terrien en cas de conflit foncier. Il s’agit de diluer la terre dans une calebasse d’eau pour qu’un représentant de chaque partie en conflit boive.

Cette épreuve s’est déroulée le 15 juin 2015 sur le site litigieux sous la conduite du chef de canton de Diarabakoko et quelques conseillers du chef de canton de Karaborola. Les représentants désignés pour subir l’épreuve étaient SOMA Bamiki pour le village de Houétiara et SOULAMA Moutiéré, père de Assonsi qui, lui a refusé de boire pour le village de Niarebama sous prétexte que son père est toujours vivant. L’épreuve terminée, il reste que l’attente du verdict (le décès d’un des représentants qui ont subi l’épreuve) qui sera connu impérativement quel que soit le temps qu’il prendra.

Le verdict est rendu au quatorzième jour après l’épreuve par le décès de SOULAMA Moutiéré. Ce décès signifie que les habitants du village de Houétiara sont les propriétaires terriens du site qui fait l’objet du litige.

Ces décisions judiciaires, contradictoires, créent un conflit de compétence qui n’est pas de nature à régler définitivement le conflit qui n’a que trop duré. La cohésion sociale entre les deux villages, voir les communautés Karaboro et Gouin se trouve de plus en plus menacée par ces conflits fonciers dans la province de la Comoé. Le sieur SOULAMA Assonsi brandit le verdict de la justice politique pour persister être le propriétaire terrien. Pire encore, parti d’un problème de limite, SOULAMA Assonsi se dit aujourd’hui propriétaire de tout le site du quartier Houétiara 1 du village de Houétiara lorsqu’il avait été joint au téléphone par la police judiciaire de Banfora au cours de l’interrogation de SORY Siélé Dramane, SOMA Bamiki, Tou Samba et SOMA Siélé par ladite police concernant le même conflit. Pendant ce temps, les habitants du village de Houétiara ne reconnaissent rien que le verdict de la justice traditionnelle.

Cette affaire est encore sur la table du tribunal de grande instance de Banfora où la justice politique use de tous les moyens pour l’application de sa décision.

De sources officieuses, certains juges du même tribunal doutent de la véracité de cette décision qui serait manipulée. Mais, du moment où elle est déjà rendue, ils tiennent à l’appliquer et le sieur SORY Siélé Dramane, accusé de chercher à jeter le discrédit sur une décision de justice, est presque tous les mois appelé à comparaître devant le tribunal de grande instance de Banfora depuis 2010. En effet, après le 15 juillet 2016, le 06 septembre 2016, il est encore appelé à comparaître en personne à l’audience du 04 octobre 2016 au Tribunal de grande instance (TGI) de Banfora pour la même la cause.

A cette allure, je crains fort un affrontement entre les habitants au vue de l’état d’esprit des participants de chaque partie à l’audience du 06 septembre 2016 à laquelle j’ai pris part.

Je crois qu’il est temps que la récréation prenne fin concernant cette affaire. Les autorités, habituées à jouer au sapeur-pompier, doivent prendre leurs responsabilités avant que le pire qui semble inévitable, arrive. Au-delà de ce conflit, c’est non seulement la problématique du découpage des entités administratives qui se pose, mais aussi celle de la compétence entre la justice moderne et la justice traditionnelle quant au règlement des questions foncières.

« Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens biens » Norbert ZONGO.

SOMA Faïbié Seydou
Géographe

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