Elections municipales à Banfora : Plus de peur que de mal

Publié le mercredi 15 juin 2016 à 08h53min

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Elections municipales à Banfora : Plus de peur que de mal

Ça y est ! Le Conseil d’Etat a proclamé ce mardi 14 juin, les résultats définitifs des élections municipales du 22 mai dernier. Dans l’ensemble, les Burkinabè peuvent se féliciter, au-delà des insuffisances, d’avoir réussi à boucler ce 1ercycle électoral post-insurrection sans basculer dans ce que nombre d’observateurs ont craint. Et ces élections municipales qui viennent de rendre leur verdict avaient encore montré, à un certain moment, tous les risques dont elles étaient porteuses au regard du contexte que traverse le pays.

Selon des réalités en présence, des circonscriptions avaient été perçues comme faisant partie des ‘’fronts de bouillonnements’’. Des zones à risques donc ! Et Banfora en faisait partie (ville située à 460 km à l’Ouest de la capitale). Ici, la vie politique est aux ordres notamment d’inconditionnels de l’ex-parti au pouvoir (CDP), de grandes figures du MPP, du NTD, de l’UPC, de la NAFA. La commune de Banfora est également connue pour avoir longtemps échappé au contrôle du parti au pouvoir, le CDP en son temps.

Décrire les péripéties politiques de la « cité du paysan noir » reste donc un exercice de longue haleine, tant la commune est riche de faits et d’acteurs politiques. Du premier maire Bégnon Koné (1959 à 1966), par ailleurs Président de l’Assemblée nationale de Haute-Volta, au maire sortant Souleymane Soulama (transfuge du RBD, secrétaire général du NTD, actuel ministre des Transports) en passant par les présidents de délégation, Yoffu Bamouni, Pierre Dabiré, Idrissa Sawadogo, Paul Henri, Théophile K. Dembélé, Sié Jean de la Croix Pooda, Davaba Tiaho, Salif Ouédraogo, Moussa Sidibé, Nitor Jean Clément Hien. Au renouement avec la communalisation en 1995, feu Mamadou Koné fut élu premier maire de l’ère démocratique.

En 2005, il quitte le navire CDP pour le RDB et restera maire jusqu’à son décès en septembre 2006. Il sera succédé par Souleymane Soulama, dont le parti, NTD, est membre de la Majorité présidentielle. Ce premier scrutin de proximité post-insurrection n’était donc pas comme les autres. Dans une bataille rude entre ‘’siamois politique’’ (CDP et MPP), un maire sortant qui compte rébeloter et les autres forces politiques en face (la NAFA ; l’UPC ; la CPR/MP, regroupement d’indépendants porté par une dissidente du MPP), un processus apaisé n’était pas gagné à l’avance et réussir le passage sans heurts dans ce contexte était un pari. Heureusement, les acteurs (les populations de façon générale) en étaient bien conscients et pour se donner toutes les chances de réussite, les petits plats ont été mis dans les grands …

Une victoire d’étape remportée …

« Pour la première fois, il n’y a pas eu d’affrontements, d’injures à l’endroit de candidat ; l’esprit a été à la hauteur… », s’est félicité Kopara Kambou, président de la commission électorale communale indépendante (CECI) de Banfora. Même si pour lui, ce goût est dilué dans le faible taux de participation enregistré (42,55%). Ce climat apaisé noté tout au long du processus est le fruit d’un travail de fond…, selon certains acteurs. « En plus de ce que la CENI a donné comme formation, il faut reconnaître que les réalités diffèrent d’une localité à l’autre. Etant natifs de la localité, nous connaissons un peu certaines sensibilités et des actions à même de contribuer à des élections apaisées.

Nous avons donc essayé de tenir des rencontres avec d’une part, les partis politiques et, d’autre part les organisations de la société civile. Puis, les deux acteurs à la fois, pour demander à ce que ces élections au niveau de la Comoé soient une leçon et qu’elles se tiennent sans violences. Ils ont tous pris des engagements, ici, pour dire qu’on peut compter sur eux, qu’il n’y aura pas de problème et qu’ils sont même prêts à nous informer de toute situation susceptible de créer un conflit »,a confié le président de la Commission électorale provinciale indépendante (CEPI) de la Comoé (dont Banfora est le chef-lieu), Mamadou Traoré.

Et pour prendre les populations à témoin, poursuit-il, une émission a été initiée sur la radio Mougnou (radio locale, ndlr) où tous les acteurs politiques, les parties prenantes se sont retrouvés pour échanger sur les comportements à risque…« Ils ont pris la parole, chacun, sur la radio et ont exprimé qu’ils étaient dans un esprit de préservation de la paix, de cohésion sociale et que la politique ne doit pas être une source de division au niveau de la Comoé. (…). Ils ont donc lancé à la fin, un appel à leurs militants pour dire qu’il faut qu’on arrive à un comportement responsable. C’est-à-dire une élection sans violences, que chacun s’érige en ambassadeur de paix dans la Comoé et que tout le monde est mis à contribution pour veiller sur ces élections.

Mieux, au niveau local, nous avons insisté pour qu’ils puissent se retrouver, eux-mêmes, pour mettre en place un comité de veille. De sorte que s’il y a un problème, une règle qui est enfreinte par un acteur, ce comité de veille puisse interpeller la personne… », a retracé le président de la CEPI, fier de constater l’effectivité de cet engagement pris par les parties. « C’est vraiment cet esprit que nous avons recherché depuis fort longtemps ; que les acteurs politiques puissent s’entendre sur le minimum et comprendre que c’est une élection, ce n’est pas une fin en soi. Ces élections ont montré que même si on est de différents bords politiques, on peut par moments se retrouver sur l’essentiel pour préserver la paix ; condition sine qua non pour le développement local et cela est à l’honneur de tous les acteurs », s’est- il félicité.

…place désormais à l’essentiel : le développement !

Passé ce moment, Banfora est désormais, à l’instar des autres communes qui ont réussi le scrutin, à la recherche d’un maire à même de s’inscrire dans la dynamique. Les populations de la commune ont de fortes attentes liées aux besoins socio-économiques. « Il faut que les acteurs politiques puissent comprendre que la compétition est terminée. Il faut se retrouver maintenant ensemble pour voir qu’est-ce qu’on peut faire pour le bien-être des populations. Ce qu’il y a, c’est de travailler main dans la main. Il faut se partager les expériences pour l’intérêt des populations », a suggéré Mamadou Traoré. Ce, d’autant que pour les populations de la localité, malgré les potentialités (ville carrefour, ville industrielle, etc.), la commune est toujours à la traîne.

Avec 38 conseillers sur 80 sièges à pouvoir, le MPP obtient la majorité relative devant le NTD (23 conseillers), la NAFA (11), l’UPC (6), la CPR/MP (1) et le CDP (1 conseiller). Avec son allié de la Majorité, NTD, le parti au pouvoir (MPP) devait pouvoir, en principe, conduire cette importante commune pour aller au développement et à l’épanouissement de ses populations. Mais avant, il faut gagner un autre pari qui est celui du choix du maire, quand on sait ce qui entoure parfois ces moments de désignation des premiers responsables des conseils municipaux.

Oumar L. OUEDRAOGO
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net

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